Du 23 au 26 janvier, le CERN a accueilli une réunion de l’expérience neutrino souterraine DUNE (Deep Underground Neutrino Experiment), collaboration internationale d’environ 950 personnes issues de 161 instituts de 30 pays. DUNE, qui sera située dans la mine de Sanford (Dakota du Sud), étudiera les neutrinos qui arriveront depuis le Fermilab, à quelque 1 300 km de distance, après avoir traversé l’écorce terrestre. Malgré les apparences, il y avait une très bonne raison pour que cette réunion ait lieu au CERN.
En 2015, le CERN a signé un mémorandum d’accord avec le ministère de l’Énergie des États-Unis afin de stimuler la coopération transatlantique en physique des particules. Au titre de cet accord et de ses additifs, en cours de conclusion, les États-Unis apportent une contribution pour les accélérateurs et les détecteurs dans le cadre du projet HL-LHC, et le CERN fait office de pôle pour les contributions européennes aux expériences neutrinos situées hors d’Europe.
De grands progrès ont été faits des deux côtés de l’Atlantique depuis cette signature. En septembre de l’année passée, le ministère de l’Énergie a approuvé la construction de cavernes pour des expériences dans la mine de Sanford, tandis qu’au CERN la plateforme neutrino a été achevée et mise à disposition pour la réalisation d’expériences. La plateforme neutrino du CERN, située dans une extension du grand hall d’expérimentation EHN1, est une installation de R&D qui travaillera initialement sur des chambres à projection temporelle fonctionnant avec de l’argon liquide. Nous y construisons, au moyen d’une technologie de refroidissement innovante et brevetée, deux prototypes des blocs de 6 x 6 x 6 m3 qui composeront les cryostats du détecteur DUNE, lequel pèsera 40 kilotonnes une fois complet. Les modules prototypes devraient être testés avec faisceaux avant le commencement du deuxième long arrêt du complexe d’accélérateurs, prévu pour la fin de l’année 2018.
Du point de vue organisationnel, le CERN s’adapte également au nouveau paysage de la collaboration mondiale pour l’étude des neutrinos. Un groupe consacré à la physique des neutrinos a été créé au sein du Département de physique expérimentale afin de développer les systèmes de lectures, les algorithmes et l’informatique ; le Département de théorie a pour sa part ajouté un institut de physique des neutrinos à son programme d’activités.
Toutes ces activités tirent leur origine de la stratégie européenne pour la physique des particules, qui prévoit que le CERN constitue un centre névralgique pour la physique à la frontière des hautes énergies tout en mettant les compétences spécialisées existant en Europe à la disposition de programmes neutrino ailleurs dans le monde. En plus de DUNE, cela comprend la rénovation du détecteur ICARUS, qui sera envoyé au Fermilab en avril de cette année, et l’appui à l’expérience japonaise WAGASCI avec un détecteur en fer magnétisé, Baby-MIND. Sont également envisagés des projets de contribution à l’expérience T2K (Tokai to Kamioka) et à l’ambitieuse expérience Hyper-K, qui reste encore à approuver ; toutes deux seraient situées dans la mine de Kamioka, au Japon.
La plateforme neutrino du CERN est l’occasion pour des scientifiques européens de participer à des projets ailleurs dans le monde, un mouvement complémentaire au flux de scientifiques du monde entier venant au CERN. La physique des particules est une entreprise véritablement mondiale, qui bénéficie de la liberté de déplacement des personnes et de la connaissance. De façon plus générale, l’échange libre d’idées entre les individus est la force vive de la science et de l’innovation, qui sont au centre de notre société moderne. Le CERN adhère pleinement à ce principe, comme en témoignent nos contributions à une entreprise mondiale d’étude des neutrinos. Dans ce domaine, comme partout ailleurs, la réussite se construit sur les échanges.