Jean Cleymans, pionnier de l'étude des collisions d'ions lourds ultra-relativistes et promoteur de la collaboration entre l'Afrique du Sud et le CERN, est décédé le 22 février 2021 dans un tragique accident survenu dans sa ville natale de Turnhout, en Belgique. Jean n'était pas seulement un éminent théoricien dans le domaine des collisions nucléaires de hautes énergies ; il a aussi joué un rôle crucial dans la mise en place et l'activité de plusieurs grandes collaborations internationales, faisant ainsi travailler ensemble le CERN, le JINR de Doubna, le GSI, iThemba LABS et différentes universités. Il a joué un rôle essentiel dans la mise en place des programmes de collaboration Afrique du Sud-CERN et Afrique du Sud-JINR, et a également été à l'initiative de la participation de l'Afrique du Sud à la collaboration ALICE. Jean était membre du Comité consultatif sur les programmes pour la physique des particules au JINR.
Jean Cleymans est né le 8 août 1944 à Turnhout, ville dont il est toujours resté proche. Il a étudié la physique à l’Université de Louvain, où il a obtenu un doctorat en 1970. Par la suite, il a travaillé au titre d'une bourse Humboldt à l'Université d'Aix-la-Chapelle (Allemagne), au titre d'une bourse de l'OTAN au SLAC, en Californie, puis, finalement, au titre d'une bourse du CERN. De 1975 à 1986, il a effectué des travaux de recherche à l'Université de Bielefeld (Allemagne), où il a obtenu son habilitation en 1977, devenant ultérieurement professeur extraordinaire. En 1986, il s'installe au Cap (Afrique du Sud), où il obtient une chaire de physique théorique. Le développement de la physique théorique en Afrique du Sud, la formation de jeunes chercheurs en physique des hautes énergies, et la participation du pays à la recherche internationale, tout cela est, dans une grande mesure, l'œuvre de Jean Cleymans.
Jean a apporté des contributions essentielles dans de nombreux domaines de la physique des ions lourds. Parmi ses recherches les plus marquantes, il faut citer ses travaux pionniers sur la description statistique de la production d'hadrons dans les collisions nucléaires, qui ont été, de fait, à l'origine de ce mode d'étude. Son code numérique pour l'analyse des multiplicités d'hadrons reste une avancée majeure pour les études expérimentales, et, ces dernières années, cet outil a ouvert de nouvelles perspectives sur des données expérimentales de haute précision au RHIC et au LHC. Il a publié plus de 200 articles dans des revues de physique prestigieuses. Jean a participé à l'organisation de nombreuses conférences et ateliers, et a été membre de plusieurs comités consultatifs internationaux d'importance. Il a également été un membre éminent de la collaboration Hard Probes, qui a jeté les bases des travaux menés ultérieurement dans le domaine des sondes dures. Par ailleurs, il organisait en Afrique du Sud des conférences très attendues, faisant venir des spécialistes du monde entier, et permettant ainsi que se créent des liens avec les équipes de recherche en Afrique du Sud.
Il a beaucoup fait pour que la discipline devienne attractive pour les étudiants en Afrique du Sud. C'était un enseignant remarquable et passionné ; il a dans cette fonction assuré la direction de 24 mémoires de master et de 17 thèses de doctorat. En rejoignant la collaboration ALICE et en établissant, d'abord, le Centre de recherche UCT-CERN, puis le programme national Afrique du Sud au CERN, il a pu étendre encore le réseau des contacts avec des étudiants, des chercheurs et des universitaires. Même une fois devenu professeur émérite à l'Université du Cap en 2021, Jean a continué de diriger ces projets ; il a pu ainsi voir se développer en Afrique du Sud une communauté très dynamique de physique des hautes énergies, ayant des liens forts avec le CERN.
Pour ses réalisations, Jean a reçu de nombreuses récompenses : pour ne citer que quelques exemples, il a été élu en 1993 Fellow de la Royal Society of South Africa ; en 1999, il a reçu le prestigieux Prix de la recherche Alexander von Humboldt, et en 2000 il s'est vu attribuer le Prix de l'excellence scientifique par le ministère de l'Éducation de Pologne.
Jean était toujours ouvert aux idées neuves et toujours prêt à collaborer avec des collègues. Il savait faire partager sa passion, et il comptait de nombreux amis et collaborateurs à travers le monde. La physique des hautes énergies a perdu un de ses champions les plus fervents, et, quant à nous, nous avons perdu un ami.
Krzysztof Redlich, Helmut Satz et la collaboration ALICE