Genève, le 10 juillet 1996. Le Grand collisionneur électron-positon LEP du CERN1 a produit aujourd'hui sa première paire de particules fondamentales appelées W+ et W-, ouvrant ainsi un nouveau territoire vierge à la recherche en physique des particules. Cela fait suite à une période de travaux d'améliorations intensifs, pendant l'hiver dernier, qui ont transformé le LEP en un nouvel accélérateur, désormais appelé LEP2. Des centaines de physiciens du monde entier viennent au CERN pour effectuer leurs recherches avec le LEP2, qui sera encore amélioré dans les années à venir pour rendre possibles de nouvelles découvertes et développer encore notre connaissance de l'Univers.
Le LEP avait été conçu pour étudier l'une des forces fondamentales de la Nature, la force faible, qui donne au Soleil son énergie et qui est responsable de certaines formes de radioactivité naturelle. La force faible est transportée par les particules W+, W- et Zo. Pendant sept ans, le LEP a produit des collisions à l'énergie nécessaire pour créer le Zo, dont nous savons maintenant qu'il "pèse" 91,1884 ± 0,0022 GeV, soit à peu près autant que 97 atomes d'hydrogène. Le LEP2 fonctionnera à deux fois cette énergie environ, ce qui suffit pour produire des particules W+ et W- par paires et qui constitue un grand pas en avant dans les études de précision entreprises au CERN sur la force faible.
Les cavités accélératrices radiofréquence sont les "moteurs" du LEP. La transformation en LEP2 a été opérée en ajoutant à la machine de nouvelles cavités, du type supraconducteur. Les cavités supraconductrices produisent une accélération bien plus forte que les cavités classiques en cuivre, tout en consommant moins d'électricité. A l'automne dernier, 60 cavités supraconductrices avaient été installées et l'énergie du LEP augmentait, dans une première étape, pour passer d'environ 90 GeV à 140 GeV. Pendant l'hiver on a installé 84 cavités supraconductrices supplémentaires qui ont permis au LEP2 de démarrer au début de ce mois avec une énergie des faisceaux en collision de 161 GeV, suffisante pour produire des paires de particules W+ W-. D'ici 1998, 124 autres cavités supraconductrices auront été ajoutées au LEP, ce qui propulsera son énergie jusqu'à 192 GeV et portera son potentiel de découvertes à son maximum.
Chaque accroissement de l'énergie apporte une possibilité de nouvelles découvertes ou de surprises, et les physiciens sont impatients de voir ce que révélera le LEP nouvelle version. Peut-être le boson de Higgs, recherché depuis si longtemps, fera-t-il sa première apparition au LEP2 dans les prochaines années? A moins qu'on ne découvre la preuve d'une nouvelle et meilleure théorie de l'Univers. De nombreux théoriciens prédisent qu'une telle théorie, appelée supersymétrie, pourrait se concrétiser très bientôt et que des particules supersymétriques n'attendent rien d'autre que d'être découvertes. Si la supersymétrie s'avère fondée, l'une des plus légères de ces particules, le chargino, pourrait être à la portée du LEP. Quoi que le LEP2 apporte, les physiciens qui travaillent au CERN sont attentifs à recueillir les signes annonciateurs d'une nouvelle physique.
Le LEP en chiffres
Circonférence de l'accélérateur | 26.659 kilomètres |
Profondeur du tunnel du LEP | 50 à 175 mètres sous les contreforts du Jura |
Aimants
Dipôles de courbure | 3368 |
Quadrupôles de focalisation | 816 |
Sextupôles de focalisation | 504 |
Aimants de correction | 700 |
Tous ces éléments du LEP sont alignés à 0,1 mm près, et l'énergie de la machine est mesurée avec une telle précision que le LEP peut détecter l'orbite de la Lune, les fortes chutes de pluie ou les changements du niveau du Lac Léman. Même le départ du TGV de Genève pour Paris n'échappe pas à l'attention du LEP.
Le vide à l'intérieur du tube de faisceau du LEP est de 10-9 torr, soit un milliardième de la pression atmosphérique. Ce vide poussé est nécessaire pour que les électrons et les positons qui circulent dans le LEP n'entrent pas en collision avec des particules d'air à l'intérieur du tube.
Les électrons et les positrons circulent dans le LEP à une vitesse à peine inférieure (de 0,035 km/h environ) à celle de la lumière et ils en font plus de 11200 fois le tour à chaque seconde.
Histoire des cavités accélératrices du LEP:
Date | Cavités en cuivre | Cavités supra-conductrices | Tension accélératrice par tour en mégavolts (MV) | Energie par faisceau (GeV) |
---|---|---|---|---|
1990 | 128 | 0 | 300 | 45 |
Nov. 1995 | 120 | 60 | 750 | 70 |
June 1996 | 120 | 144 | 1600 | 81 |
Oct. 1996 | 120 | 172 | 1900 | 88 |
1997 | 86 | 240 | 2500 | 94 |
1998 | 52 | 272 | 2700 | 96 |
1. Le CERN, Laboratoire européen pour la physique des particules, a son siège à Genève. Ses Etats membres sont les suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, la République slovaque, la République tchèque, Royaume-Uni, Suède et Suisse. La Fédération de Russie, Israël, le Japon, la Turquie, la Commission des Communautés européennes et l'UNESCO ont le statut d'observateur.