Genève, le 14 mai 2001. Lors d'un séminaire organisé au CERN1 le 10 mai, la collaboration NA48 a rendu public son résultat final sur l'un des secrets les mieux gardés de la Nature : la violation directe de CP (charge-parité), un effet minuscule qui exprime la préférence de la Nature pour la matière par rapport à l'antimatière.
Genève, le 14 mai 2001. Lors d'un séminaire organisé au CERN1 le 10 mai, la collaboration NA48 a rendu public son résultat final sur l'un des secrets les mieux gardés de la Nature : la violation directe de CP (charge-parité), un effet minuscule qui exprime la préférence de la Nature pour la matière par rapport à l'antimatière.
Le résultat annoncé est la mesure la plus précise d'une quantité qui représente la violation directe de CP dans la désintégration des kaons neutres. La valeur de (15,3 +/- 2,6) 10-4 obtenue pour epsilon prime sur epsilon, le paramètre en question, se situe à environ six écarts-types de zéro et constitue la preuve irréfutable de l'existence de la violation directe de CP.
Après dix ans consacrés à la mise au point de détecteurs, à la collecte et à l'analyse de données, le nouveau résultat de NA48** se fonde sur l'observation de vingt millions de désintégrations de mésons K neutres violant CP. L'infime différence entre les taux de certaines désintégrations des mésons K neutres et ceux de leurs antiparticules a été déterminée avec une précision d'un millionième.
On pense qu'à la naissance de l'Univers, lors du big-bang, la matière et l'antimatière ont été créées en quantités égales. Matière et antimatière s'annihilant mutuellement au contact l'une de l'autre, l'égalité quantitative de ces deux formes de la matière aurait dž entraîner leur anéantissement réciproque et ne rien laisser. Pourtant, nous vivons dans un Univers fait de matière. La violation directe de CP contribue à expliquer la préférence de la Nature pour la matière par rapport à l'antimatière et de ce fait notre existence même.
L'étude de la violation directe de CP illustre à merveille la rigueur requise pour l'établissement d'un fait scientifique. Les premières recherches ont été menées au CERN dans l'expérience NA31 et au Laboratoire Fermi, Etats-Unis, dans l'expérience E731. Les résultats publiés en 1993 n'étaient pas suffisamment précis pour permettre d'affirmer que la violation directe de CP était bien réelle. Il fallait à l'évidence des mesures plus minutieuses. Les deux laboratoires n'ont pas tardé à relever le défi en montant de nouvelles expériences ambitieuses, NA48 et KTeV. A ce jour, toutes deux ont mesuré cet effet avec une précision plusieurs fois supérieure à celle des expériences précédentes et leurs résultats permettent l'un et l'autre de conclure à la réalité de la violation directe de CP. Le nouveau résultat du CERN confirme avec une précision encore plus grande l'observation de la violation directe de CP par NA31 en 1993.
La violation de CP (charge-parité) se rapporte à la notion de symétrie. La plupart des interactions de particules restent inchangées à la suite d'opérations de symétrie liées à la charge et à la parité. L'opération C représente l'échange des charges de toutes les particules dans une interaction, ce qui équivaut à un échange particules-antiparticules. P, appelée parité, correspond à une symétrie dans un miroir qui inverserait l'ensemble des trois coordonnées spatiales. Les physiciens avaient d'abord pensé que chacune de ces symétries était conservée dans les interactions de particules, mais en 1956, T.D. Lee et C.N. Yang démontrèrent que l'interaction faible ne respectait pas la symétrie P. Néanmoins, ils restaient convaincus que la combinaison CP était conservée, ce qui fut plus tard démenti.
La violation de CP a été observée pour la première fois en 1964 au laboratoire de Brookhaven (Etats-Unis) par Christenson, Cronin, Fitch et Turlay ; leur expérience, couronnée par un prix Nobel, montrait que des particules appelées kaons neutres à vie longue se désintègrent parfois en deux pions, un processus qui viole CP. L'origine du phénomène restait toutefois mystérieuse. Pour pouvoir intégrer la violation de CP dans la théorie des interactions faibles, il était nécessaire d'apporter la preuve de la violation de CP dans la désintégration d'un quark Ð une violation directe de CP. Les longues recherches menées avec rigueur au CERN et au Laboratoire Fermi ont aujourd'hui montré que la violation directe de CP est un fait.
Pour en savoir plus, consultez la page d'accueil de NA48 :
- NA48 experiment
- ainsi que notre précédent communiqué de presse sur le sujet
- Fermi National Accelerator Laboratory
- Expéience KTeV de FermiLab
** L'expérience NA48 est l'oeuvre d'une collaboration de physiciens appartenant à des instituts et laboratoires de Cagliari, de Cambridge, du CERN, de Doubna, d'Edimbourg, de Ferrare, de Florence, de Mayence, d'Orsay, de Pérouse, de Pise, de Saclay, de Siegen, de Turin, de Vienne et de Varsovie.