Genève, le 12 décembre 2017. La nouvelle installation CERN-MEDICIS a produit aujourd’hui, pour la première fois, des radioisotopes destinés à la recherche médicale. Le projet MEDICIS vise à fournir une vaste gamme de radioisotopes, dont certains peuvent être produits uniquement au CERN1, grâce à l’installation ISOLDE, unique en son genre. Ces radioisotopes sont destinés en premier lieu à des hôpitaux et centres de recherche en Suisse et en Europe. Des progrès importants ont été réalisés récemment dans l’utilisation des radioisotopes pour le diagnostic et le traitement, et les scientifiques pourront dorénavant, avec MEDICIS, concevoir et tester des radioisotopes non conventionnels afin de développer de nouvelles techniques pour lutter contre le cancer.
« Les radioisotopes sont utilisés dans la médecine de précision afin de diagnostiquer les cancers et d’autres maladies, par exemple les troubles du rythme cardiaque, et pour administrer de faibles doses de rayonnement exactement à l’endroit où celles-ci sont nécessaires, évitant ainsi de détruire les tissus sains aux alentours, explique Thierry Stora, coordinateur du projet MEDICIS. Maintenant que le projet MEDICIS est en route, nous pouvons produire des isotopes non conventionnels et contribuer à élargir ainsi la gamme des applications possibles. »
Un élément chimique peut exister sous la forme de plusieurs variantes, ou isotopes, selon le nombre de neutrons contenus dans son noyau. Certains isotopes, naturellement radioactifs, sont appelés radioisotopes. On les retrouve pratiquement partout, par exemple dans les roches ou même dans l’eau potable. D’autres radioisotopes n’existent pas dans la nature, mais peuvent être produits avec des accélérateurs de particules. MEDICIS utilise un faisceau de protons de l’installation ISOLDE pour produire des radioisotopes destinés à la recherche médicale. Le premier lot produit était constitué de Terbium 155Tb, radioisotope considéré comme prometteur pour le diagnostic du cancer de la prostate, comme l’ont montré de premiers résultats.
Les technologies et idées innovantes développées en physique ont conduit à de grandes avancées en médecine au cours des cent dernières années, depuis la découverte des rayons X et de la radioactivité et l’avènement des diagnostics et traitements médicaux à l’aide de rayonnements. Les radioisotopes sont déjà largement utilisés par la communauté médicale pour l’imagerie, le diagnostic et la radiothérapie. Mais plusieurs des isotopes actuellement utilisés ne combinent pas les propriétés physiques et chimiques les plus appropriées et, dans certains cas, un type de rayonnement différent pourrait être plus approprié. MEDICIS peut donc contribuer à chercher des radioisotopes présentant les propriétés adéquates pour améliorer la précision de l’imagerie comme des traitements.
« Le projet CERN-MEDICIS montre une fois encore comment les technologies du CERN peuvent, au-delà de leur utilisation pour la recherche fondamentale, être sources de bénéfices pour la société. Fort de ses installations et de ses compétences uniques, le CERN s’attache à augmenter l’impact de ses technologies sur notre vie quotidienne », explique Frédérick Bordry, directeur des accélérateurs et de la technologie du CERN.
Dans l’installation ISOLDE, le faisceau de protons de haute intensité en provenance du Booster du PS (PSB) du CERN est dirigé sur des cibles épaisses spécialement développées, ce qui produit une grande variété de fragments atomiques. Différents systèmes sont utilisés pour ioniser, extraire et séparer les noyaux selon leur masse, ce qui permet de produire des faisceaux de basse énergie qui sont ensuite livrés à plusieurs stations d’expérimentation. MEDICIS utilise une deuxième cible, placée derrière celle d’ISOLDE. Une fois les isotopes créés au niveau de la cible de MEDICIS, un système de transport automatisé les amène jusqu’à l’installation MEDICIS, où les radioisotopes intéressants sont extraits par séparation des masses et implantés dans une feuille métallique. Celle-ci est ensuite envoyée à des centres de recherche, notamment l’Institut Paul Scherrer, au Service de médecine nucléaire et imagerie moléculaire du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Une fois l’isotope livré, les scientifiques vont le dissoudre et l’attacher à une molécule, par exemple une protéine ou du sucre, choisie pour cibler précisément la tumeur. L’isotope devient ainsi injectable, et la molécule peut ensuite adhérer à la tumeur ou à l’organe qui doit être visualisé par imagerie ou soigné.
ISOLDE fonctionne depuis 50 ans, et 1 300 isotopes de 73 éléments chimiques ont été produits au CERN, pour des recherches dans de nombreux domaines, y compris la recherche nucléaire fondamentale, l’astrophysique et les sciences de la vie. Même si ISOLDE produit déjà des isotopes destinés à la recherche médicale, la nouvelle installation MEDICIS permettra de fournir de façon régulière des radioisotopes correspondant aux besoins de la communauté de la recherche médicale.
CERN-MEDICIS est un projet dirigé par le CERN, avec des contributions de son fonds consacré au transfert de connaissances, de fondations privées et d’instituts partenaires. Il bénéficie également d’une subvention de la Commission européenne dans le cadre du programme de formation Marie Skłodowska-Curie ; cette subvention contribue, depuis 2014, au développement d’une collaboration à l’échelle européenne dans les domaines médicaux et scientifiques.
Matériel audiovisuel disponible ici.
Le CERN, Organisation européenne pour la Recherche nucléaire, est l'un des plus éminents laboratoires de recherche en physique des particules du monde. Située de part et d’autre de la frontière franco-suisse, l’Organisation a son siège à Genève. Ses États membres sont les suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Israël, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède et Suisse. Chypre, la Serbie et la Slovénie sont États membres associés en phase préalable à l’adhésion. L’Inde le Pakistan, la Turquie et l’Ukraine sont États membres associés. Les États-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, le Japon, le JINR, l’UNESCO et l’Union européenne ont actuellement le statut d’observateur.