Diplômé en génie naval et en génie mécanique à l'Université de Gênes en 1949, Giovanni Muratori a ensuite travaillé pour ENI-AGIP dans le domaine de la fabrication d’instruments destinés à la prospection pétrolière. Il commença sa carrière au CERN en août 1959, au sein de la division PS, où il travailla sur la chambre à bulles à liquide lourd conçue pour la physique des neutrinos. Il supervisa la conception des appareils photographiques, une tâche difficile compte tenu du fort champ magnétique qui excluait l'utilisation de moteurs électriques. Malgré un début difficile, la chambre pu commencer à prendre des données au début de l'année 1961. La fréquence des événements ayant été jugée insuffisante, un programme d'urgence fut lancé pour améliorer le faisceau (au moyen d’une corne magnétique de van der Meer) et augmenter la masse totale des détecteurs (en ajoutant en aval des chambres à étincelles). Giovanni s'attela à la conception de la mécanique et de l'optique de ces chambres à étincelles, qui devinrent opérationnelles en 1963.
Fin 1961, il fut transféré à la division de physique nucléaire, et, en avril 1966, il fut nommé chef du groupe Assistance technique, chargé de la conception et de la construction d'équipements optiques et mécaniques. Le groupe mit au point tout un ensemble de détecteurs et d'équipements associés, notamment l'expérience R-108 aux ISR, où il construisit des chambres à dérive cylindriques novatrices permettant de mesurer les positions des traces le long du fil en s’appuyant sur la différence entre les temps d'arrivée du signal aux extrémités de chaque fil. Pour l'expérience NA31, le groupe construisit les chambres à dérive installées dans une enceinte remplie d'hélium, ainsi qu'une fenêtre légère en kevlar séparant l'hélium de l'enceinte à vide.
Très tôt, le groupe avait mis au point une machine automatique permettant d'enrouler de grandes chambres à étincelles à fils, et il se spécialisa rapidement dans la construction de réseaux de fils pour les nouvelles chambres proportionnelles multifils. Sous la direction de Giovanni, le groupe conçut des équipements et des installations pour les détecteurs Tchérenkov, notamment un laboratoire sec pour la manipulation de feuilles de lithium et des méthodes de production de miroirs sphériques de précision en verre avec un revêtement en aluminium hautement réfléchissant. Les miroirs faisant appel à ces techniques ont par la suite été utilisés dans le détecteur RICH et auprès de l'expérience DELPHI au LEP.
Vers la fin de sa carrière, Giovanni travailla sur la conception des premières chambres à projection temporelle pour un autre détecteur du LEP, ALEPH. Il commença également une collaboration avec un groupe qui cherchait l'existence d'une « cinquième force », et mit au point un rotor qui générait un champ gravitationnel dynamique aux environs de 450 Hz, qui fut utilisé pour étalonner pour la toute première fois le détecteur d'ondes gravitationnelles EXPLORER au CERN.
Après son départ en retraite, en 1986, Giovanni resta au CERN plusieurs années, durant lesquelles il travailla sur divers problèmes, notamment la conception d'une chambre à argon liquide prototype pour les expériences souterraines au Gran Sasso. C'était un ingénieur de grand talent. Son travail était très apprécié et ses avis respectés. Il participa activement à la conception d'équipements innovants et fut à l'origine d'idées ingénieuses. Il adorait également résoudre des problèmes de fabrication ou d'usinage, que ce soit pour une grande machine ou pour un petit instrument. On faisait souvent appel à son bon sens et à son esprit chaleureux et généreux en lui demandant conseil. Ses nombreux collègues et amis se souviendront de lui avec respect et affection.
Il a rejoint son épouse bien aimée, Suzanne, disparue en mai 2018. Nous transmettons nos sincères condoléances et témoignons toute notre affection à son fils, Bruno, ainsi qu'à Fiona, Giovanni et Hugo.
Ses amis et collègues