Existe-t-il de nouvelles particules, encore inconnues, grâce auxquelles nous pourrions faire la lumière sur la matière noire et sur d'autres mystères de l'Univers ? Pour tenter de répondre à cette question, les physiciens des particules analysent généralement la myriade de particules qui sont produites lors des collisions. Mais ils ont aussi une autre technique, indirecte mais efficace, pour chercher de nouvelles particules ; celle-ci consiste à mesurer des processus rares dont la fréquence est prédite avec précision par le Modèle standard de la physique des particules. Une légère divergence entre la prédiction du Modèle standard et les mesures de haute précision réalisées constituerait un signe de la présence de nouvelles particules ou de phénomènes jamais observés auparavant.
L'un de ces processus est la transformation, ou « désintégration », d'une variante de charge positive de la particule appelée kaon en un pion de charge positive assorti d'une paire neutrino-antineutrino. Lors d'un séminaire qui s'est déroulé au CERN, la collaboration NA62 a rendu compte de deux possibles occurrences de cette désintégration extrêmement rare du kaon. Ce résultat, présenté pour la première fois lors de la Conférence internationale sur la physique du kaon, démontre le potentiel de l'expérience pour réaliser un test précis du Modèle standard.
Le Modèle standard prédit que les probabilités qu'un kaon de charge positive se désintègre en un pion de charge positive assorti d'une paire neutrino-antineutrino (K+ → π+ ν ν) est seulement d'environ une sur dix milliards, avec une incertitude de moins de dix pour cent. Une déviation même légère par rapport à cette prédiction constituerait un signe d'une nouvelle physique, au-delà du Modèle standard.
L'expérience NA62 produit des kaons de charge positive (K+) et d'autres particules en envoyant sur une cible de béryllium des protons en provenance du Supersynchrotron à protons. Elle utilise ensuite plusieurs types de détecteurs pour identifier et mesurer les kaons K+ et les particules produites lors de leur désintégration.
En 2018, l'équipe de NA62 a rapporté avoir trouvé un événement candidat pour la désintégration K+ → π+ ν ν dans un ensemble de données enregistré en 2016, qui comprenait environ 100 milliards de désintégrations du K+. Dans sa nouvelle étude, la collaboration a analysé un ensemble de données environ 10 fois plus important, enregistré en 2017, et a repéré deux événements candidats. En combinant ce résultat avec le précédent, l'équipe a déterminé que la fréquence relative (appelée « rapport d'embranchement ») de la désintégration K+ → π+ ν ν serait au maximum de 24,4 sur 100 milliards de désintégrations du K+. Cette valeur combinant les deux résultats est compatible avec la prédiction du Modèle standard, et a permis à l'équipe de fixer des limites pour les théories sur la physique au-delà du Modèle standard prédisant des fréquences plus élevées que cette limite supérieure.
« C'est une belle réussite, sur laquelle nous pourrons nous appuyer pour aller plus loin. Maintenant que nous avons une technique d'expérimentation bien établie, nous allons chercher des moyens de la perfectionner en utilisant les données que nous avons enregistrées en 2018, explique Cristina Lazzeroni, porte-parole de l'expérience. L'ensemble de données de 2018 est deux fois plus important que celui de 2017, donc il devrait nous permettre de trouver plus d'événements et de réaliser un test plus précis du Modèle standard. »
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Pour un rapport détaillé sur les résultats, regardez l'enregistrement du séminaire qui a eu lieu au CERN et lisez l'article du bulletin d'information du département EP.