Le LHC et ses successeurs
Peu avant le premier long arrêt technique du LHC, ingénieurs et physiciens travaillent déjà sur la prochaine génération d’accélérateurs : HL-LHC et LHeC. Le premier devrait produire des collisions proton-proton avec une luminosité sans précédent ; le second donnerait un nouveau souffle aux collisions électron-proton.
Dans un an, le LHC commencera à changer. Au cours de la première période d’arrêt prolongé, de décembre 2012 à fin 2014, la machine passera par une première phase d’améliorations importantes, en vue d’un fonctionnement à 7 TeV par faisceau au début de 2015.
Après ce long arrêt technique et les deux autres qui suivront, en 2018 et en 2022, un nouveau projet verra le jour. Les plans actuels prévoient l’étude de quelque chose qui ressemblera plus à une nouvelle machine qu’à une simple amélioration : le LHC à haute luminosité (HL-LHC). Beaucoup plus puissant que la machine actuelle, le HL-LHC visera un taux très élevé de production d’événements pour les détecteurs ALICE, ATLAS, LHCb et CMS. « Côté machine, le projet HL-LHC a été approuvé et il devrait être cofinancé comme étude par l’Union européenne, indique Oliver Bruning, responsable du groupe Accélérateurs et physique des faisceaux (ABP) du département Faisceaux (BE), chef de projet adjoint pour le HL-LHC et responsable de l’étude accélérateur LHeC. Côté expériences, les équipes travaillent actuellement sur les rapports de conception technique. Cette partie n’a pas encore été approuvée et les fonds restent à trouver. » Si tout se passe bien, le HL-LHC pourrait commencer à fonctionner vers 2020.
Entretemps, ingénieurs et physiciens ont commencé à travailler sur un autre projet, qui pourrait être réalisé en parallèle avec le HL-LHC. Appelé LHeC, cette machine serait conçue pour des collisions entre des électrons et des protons. « Le LHeC pourrait être mis en œuvre de deux façons différentes, explique Frank Zimmermann, membre du groupe BE-ABP et coordinateur adjoint EuCARD. La première serait de construire un anneau d’électrons dans le tunnel du LHC, au-dessus de l’anneau actuel – on aurait ainsi une machine à double anneau. La seconde serait de construire un tunnel distinct d’environ 9 km qui abriterait deux LINAC supraconducteurs rassemblés en un LINAC récupérateur d'énergie (ERL) par deux arcs de retour suivant la forme d'un hippodrome, et dans lesquels le faisceau d’électron serait accéléré en passant trois fois par chaque linac – les collisions électron-proton se produisant à l’énergie la plus élevée dans le LHC. » Dans les deux cas, les faisceaux d’électrons et de protons se croiseraient en un point unique, où une nouvelle expérience serait installée.
D’évidence, chacune de ces propositions recèle ses difficultés propres. « Avec l’option double anneaux, le problème est que les expériences actuelles du LHC n’ont pas d’ouverture pour le faisceau d’électrons, souligne Oliver, nous devrions donc les contourner en construisant un tunnel de 1,3 km pour chaque expérience, permettant au faisceau d’électrons de poursuivre sa route sans encombre. » La création de tunnels supplémentaires serait par ailleurs également nécessaire pour l'injection et l'extraction. « Cette option se traduirait par des travaux considérables de génie civil et une logistique compliquée », conclut-il.
De son côté, le LINAC supraconducteur présente d’autres difficultés. Pour atteindre des performances maximum, la puissance du faisceau devrait être tellement élevée que cette solution deviendrait inabordable… en termes de facture d’électricité ! C’est pourquoi Frank propose d'utiliser la technique "ERL" : au lieu d’accélérer un faisceau d’électrons, de l’envoyer sur le point de collision, puis de s’en débarrasser, on le récupère après la collision, pour le décélérer et utiliser son énergie. « Nous pourrions mettre en place une structure accélératrice supraconductrice, où le champ oscillerait en permanence entre des phases d’accélération et de décélération. Pour que cela fonctionne, les cavités devraient avoir un très bon facteur de qualité pour la résonance fondamentale, explique-t-il. Quand un faisceau “usagé” a été décéléré, le champ résonne jusqu’à ce que le nouveau faisceau arrive pour être accéléré. L’énergie est transférée en permanence des paquets décélérés aux paquets accélérés traversant le même LINAC. Ce serait d’un très bon rapport efficacité-coût. »
Aussi incroyable que cela paraisse, nos physiciens et ingénieurs envisagent déjà l’après 2035, dans plus de 20 ans, quand le HL-LHC et le LHeC seront débranchés. Une autre machine pourrait alors prendre la relève : le LHC à haute énergie (HE-LHC), dont la construction pourrait commencer en 2025. Mais ceci est une autre histoire…