Gargamelle
Gargamelle était une chambre à bulles conçue au CERN pour détecter les neutrinos
Gargamelle était une chambre à bulles conçue au CERN pour détecter les neutrinos. Alimentée dans un premier temps par un faisceau de neutrinos du muon du synchrotron à protons (PS) du CERN, de 1970 à 1976, elle fut ensuite transférée vers le Super synchrotron à protons qui l’alimenta en faisceaux de neutrinos jusqu’en 1979.
Gargamelle mesurait 4,8 mètres de longueur et 2 mètres de diamètre. Elle pesait 1 000 tonnes et contenait environ 12 m3 de liquide dense, le fréon (CF3Br).
Comme les neutrinos ne possèdent pas de charge, ils ne laissent aucune trace dans les détecteurs. Le fréon utilisé dans le détecteur Gargamelle révélait toutes les particules chargées mises en mouvement par les neutrinos et mettait donc indirectement en évidence les interactions. L’utilisation du fréon, au lieu de l’hydrogène liquide, plus souvent utilisé pour ce genre d’expériences, augmentait la probabilité de détecter des interactions neutrinos.
Les premiers résultats de Gargamelle, entre 1972 et 1974, ont apporté des indices cruciaux sur l’existence des quarks, les constituants fondamentaux de particules telles que les protons et les neutrons. En associant les résultats sur les neutrinos aux résultats d’expériences menées au SLAC (États-Unis) avec un faisceau d’électrons, il a été démontré que les quarks devaient avoir une charge électrique égale à 1/3 ou à 2/3 de la charge du proton, comme cela avait été prédit.
En juillet 1973, lors d’un séminaire tenu au CERN, la collaboration Gargamelle présenta les premiers indices directs d’un courant neutre faible, qui exige la présence d’une particule neutre comme vecteur de la force faible. Ce processus avait été prédit indépendamment par Sheldon Glashow, Abdus Salam et Steven Weinberg, au milieu des années 1960. La particule en question, appelée boson Z, et les courants neutres faibles associés avaient été prédits par la théorie électrofaible, selon laquelle la force faible et la force électromagnétique sont des versions différentes de la même force.
Pour arriver à cette découverte, il a fallu rechercher deux types d’événements : soit l’interaction d’un neutrino avec un électron dans le liquide, soit la diffusion du neutrino par un hadron (un proton ou un neutron). La signature d’un événement de courant neutre était représentée par un vertex isolé duquel s’échappaient uniquement des hadrons. Au mois de juillet 1973, les chercheurs confirmèrent pas moins de 166 événements hadroniques et un événement électronique. Dans les deux cas, le neutrino incident, bien sûr invisible, interagit, puis continue son chemin, à nouveau invisible. Le 3 septembre, la collaboration publia, dans le même numéro de Physics Letters, deux articles au sujet de ces événements.
En 1983, deux expériences du CERN, UA1 et UA2, découvrirent les bosons W et Z, vecteurs de la force électrofaible.
Pendant sa courte carrière au SPS, Gargamelle aura été le premier détecteur à observer une interaction faible mettant en jeu des leptons, au cours de laquelle un neutrino de type muonique rencontre un électron, produisant un neutrino de l’électron et un muon. La chambre cessa de fonctionner en 1979 suite à l’apparition de fissures qui se révélèrent impossibles à réparer. Le corps de la chambre est depuis l’une des principales attractions du jardin du Microcosm du CERN.
Le nom de la chambre est tiré des œuvres de Rabelais, où la géante Gargamelle est la mère de Gargantua.