Genève, le 8 mai 2013. Une équipe internationale menant des recherches auprès de l’installation de physique nucléaire ISOLDE au CERN1 a montré que certains noyaux atomiques pouvaient prendre une forme asymétrique, semblable à celle d’une « poire ». Ces observations contredisent certaines théories actuelles du noyau et permettront d’améliorer d’autres théories. Les résultats sont publiés dans la revue Nature du 8 mai 2013.
La plupart des noyaux qui existent naturellement ont la forme d’un ballon de rugby. Si les théories en vigueur peuvent prédire une telle propriété, ces mêmes théories prédisent aussi que, pour certaines combinaisons particulières de protons et de neutrons, les noyaux peuvent également prendre une forme asymétrique, comme celle d’une poire. Dans ce cas, une extrémité du noyau contient davantage de masse que l'autre.
Jusqu’à présent, il était difficile expérimentalement d’observer des noyaux en forme de poire. Toutefois, une équipe travaillant auprès de l’installation ISOLDE a mis au point une technique permettant d’étudier la forme des isotopes à vie brève radon 220 et radium 224.
Le physicien Peter Butler, qui travaille à l’Université de Liverpool, explique : « Nous avons pu montrer que, contrairement au radium 224, dont la forme de poire est stable, le radon 220 a une forme qui oscille. Ces résultats sont en contradiction avec certaines théories du noyau et permettront d’améliorer d'autres théories. »
L’observation de noyaux en forme de poire est importante, non seulement pour comprendre la théorie de la structure nucléaire, mais également parce qu’elle pourrait permettre de déterminer expérimentalement d’éventuels moments dipolaires électriques des atomes, un moment dipolaire électrique correspondant à une séparation des charges positives et négatives dans un atome.
D’après le Modèle standard, la valeur du moment dipolaire électrique d’un atome est tellement petite qu’elle se situe largement au-dessous des limites d’observation actuelles. Toutefois, de multiples théories qui s’efforcent de préciser ce modèle prédisent des valeurs mesurables du moment dipolaire électrique, ce qui serait le signe d’une nouvelle physique au-delà du Modèle standard.
Pour confirmer ces théories, les expériences sur le moment dipolaire électrique devront être améliorées. L’une des solutions possibles est d’utiliser des atomes exotiques dont le noyau a la forme d’une poire. En déterminant cette forme quantitativement, on établira les limites de faisabilité des programmes expérimentaux de mesure des moments dipolaires électriques des atomes.
« Nos mesures serviront à guider les recherches sur les moments dipolaires électriques menées actuellement en Amérique du Nord et en Europe, où de nouvelles techniques sont mises au point pour exploiter les propriétés spéciales des isotopes du radium et du radon, explique Peter Butler ; nous espérons pouvoir combiner les données sur nos expériences de physique nucléaire avec les résultats sur les expériences de piégeage d’atomes qui cherchent à mesurer les moments dipolaires électriques des atomes afin de pouvoir confirmer le Modèle standard. »
Pour Sergio Bertolucci, directeur de la recherche et de l’informatique scientifique du CERN, « Le fait que l’on puisse produire des faisceaux de grande qualité d’ions radium et radon radioactifs énergétiques avec une intensité suffisante pour mener ces expériences témoigne des capacités exceptionnelles du CERN, et, en particulier, du savoir-faire des équipes qui mettent au point ces faisceaux à ISOLDE. »
1. Le CERN, Organisation européenne pour la Recherche nucléaire, est le plus éminent laboratoire de recherche du monde en physique des particules. Il a son siège à Genève. Ses États membres actuels sont les suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Royaume-Uni, Suède et Suisse. La Roumanie a le statut de candidat à l’adhésion. Israël et la Serbie sont États membres associés en phase préalable à l’adhésion. La Commission européenne, les États-Unis d'Amérique, la Fédération de Russie, l'Inde, le Japon, la Turquie et l'UNESCO ont le statut d'observateur.