La stratégie européenne pour la physique des particules, mise à jour par le Conseil du CERN en juin 2020, prépare le terrain d’un avenir brillant pour la physique des particules s'appuyant sur les accélérateurs. Ses vingt recommandations, portant sur les éléments d'un programme scientifique ambitieux à court, moyen et long termes, ainsi que sur l'impact environnemental et sociétal de la discipline, la sensibilisation du public et le soutien aux jeune talents, représentent une approche ambitieuse, mais prudente, de la construction du futur de la discipline en Europe après le LHC, dans un contexte mondial.
La pleine exploitation du LHC et de son amélioration sous la forme d'une machine à haute luminosité est une priorité essentielle, tant du point de vue du potentiel de la physique que de son rôle de tremplin pour une future machine aux frontières des hautes énergies. Dans la stratégie, une usine à Higgs électron-positon constitue la première priorité pour ce qui concerne les collisionneurs. De plus, l'Europe, avec ses partenaires internationaux, a reçu mission d'étudier la faisabilité technique et financière d'un futur collisionneur de hadrons d'une énergie d'au moins 100 TeV dans le centre de masse au CERN, avec, comme première phase éventuelle, la construction d'une usine à Higgs et de production électrofaible sous la forme d'une machine électron-positon. Des activités renforcées de R&D sur toute une série de technologies d'accélérateurs sont une autre priorité de la stratégie, de même que la poursuite du soutien à un programme de diversité scientifique.
Cela commence maintenant
C'est le rôle du CERN, dans une collaboration forte avec d'autres laboratoires et institutions en Europe et dans le monde, de contribuer à traduire dans la réalité les objectifs scientifiques visionnaires de la mise à jour de la stratégie. Le plan à moyen terme du CERN pour la période 2021-2025, récemment approuvé, constitue une première concrétisation de la vision dessinée par la stratégie.
À partir de cette année, le CERN s’attellera à l'étude de faisabilité d’un futur collisionneur circulaire (FCC), ainsi que le recommande la mise à jour de la stratégie. L'un des premiers objectifs est de vérifier qu'il n'existe pas d'obstacle insurmontable à la construction d'un tunnel de 100 km dans la région de Genève, et de recueillir des engagements pour le financement de cette construction. Le coût estimé du projet ne peut être assumé dans le cadre du seul budget du CERN ; des contributions spéciales devront être apportées par des États non-membres, et de nouveaux mécanismes de financement seront nécessaires. En ce qui concerne les technologies sur lesquelles s'appuiera le projet, la première priorité sera de démontrer que les aimants supraconducteurs à champ élevé requis pour des collisions proton-proton à 100 TeV (ou plus) dans un tunnel de 100 km pourront être réalisés à l'horizon 2050. À cette fin, le CERN est en train de mettre en place un programme renforcé de R&D sur les aimants, en partenariat avec l'industrie et d'autres institutions en Europe et ailleurs. De nouvelles ressources seront utilisées pour explorer les matériaux supraconducteurs basse et haute température, pour développer des modèles d'aimants dans une optique d'industrialisation et de réduction des coûts, et pour construire l'infrastructure d'essai nécessaire. Ces études auront aussi des applications très étendues en dehors de la discipline. Limiter au maximum l'impact environnemental du tunnel, des collisionneurs et des détecteurs sera un des axes majeurs ; une autre préoccupation sera de favoriser au maximum les bénéfices pour la société découlant du transfert des technologies liées au projet FCC.
Le plan à moyen terme 2020 inclut également des ressources permettant de poursuivre la R&D sur des technologies clés pour le Collisionneur linéaire compact et pour la mise en place d'une étude de conception internationale pour un collisionneur de muons. D'autres technologies d'accélérateurs de pointe seront explorées, sans oublier la R&D sur les détecteurs, et une nouvelle initiative sur les technologies quantiques.
« Pour continuer à avancer, il faut que soit lancée une collaboration mondiale autour d'un projet audacieux, s'articulant sur des outils multiples. »
La diversité scientifique est un pilier important du programme du CERN, et continuera d’être soutenue. Les ressources pour l'étude sur la physique au-delà des collisionneurs, menée au CERN, ont été accrues dans le plan à moyen terme 2020, et les développements nécessaires pour les expériences neutrino longue distance aux États-Unis et au Japon se poursuivront à un rythme intensif via la plateforme neutrino du CERN.
Un impact immense
La découverte du boson de Higgs, particule aux caractéristiques inédites, a contribué à orienter la physique des particules vers de profondes questions de structure. Par ailleurs, et de plus en plus, certaines des questions ouvertes qui se posent dans le monde microscopique ont un lien avec les questions relatives à l'Univers en général. Pour continuer à avancer sur cette voie prometteuse et ambitieuse des explorations fondamentales, il faut que soit lancée une collaboration mondiale autour d'un projet audacieux, s’articulant sur des outils multiples : collisionneurs de haute énergie, tests de précision à basses énergies, cosmologie observationnelle, rayons cosmiques, recherches sur la matière noire, ondes gravitationnelles, neutrinos, entre autres. Les collisionneurs de haute énergie, en particulier, resteront des instruments indispensables et irremplaçables pour examiner la nature aux échelles les plus petites. Si le Futur collisionneur circulaire peut être réalisé, il aura un impact immense, non seulement sur l'avenir du CERN, mais aussi sur les connaissances humaines.
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Cet article a été originellement publié dans le CERN Courier (en anglais).