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Longue vie au Linac 4

Le nouvel accélérateur linéaire du CERN est officiellement inauguré, dix ans après son approbation

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Here’s to a long life for Linac 4!

Vue des cavités en mode PI (PIMS), qui portent le faisceau du Linac 4 de 100 à 160 MeV. Ces cavités font partie des innovations du Linac 4. (Image : Maximilien Brice/CERN)

Le 9 mai est traditionnellement la Journée de l’Europe. C’est à dessein que ce jour a été choisi pour l’inauguration du Linac 4, première inauguration d’un accélérateur du CERN depuis celle du LHC, en 2008. Le Linac 4 a en effet bénéficié d’un programme de recherche et développement mené dans le cadre du projet européen CARE (Coordinated Accelerator Research in Europe) et avec des contributions spéciales de la Commission européenne et de plusieurs pays du Vieux Continent.

Depuis qu’il a passé avec succès les tests d’accélération à son énergie nominale de 160 MeV, fin 2016, le Linac 4 est opérationnel. La connexion au complexe d’accélérateurs aura lieu durant le second long arrêt technique en 2019-2020. Le Linac 4 deviendra alors le premier maillon de la chaîne des accélérateurs du CERN, en remplacement du Linac 2, en service depuis 1978. « Les tests d’accélération à 160 MeV sont très encourageants et nous sommes soulagés de savoir qu’en cas de problème avec le Linac 2 d’ici à  fin 2018, le Linac 4 peut prendre le relais,  souligne Frédérick Bordry, directeur des accélérateurs et de la technologie du CERN. Les deux années à venir sont importantes pour obtenir des faisceaux d’intensité compatibles avec les besoins des autres accélérateurs et, surtout, parvenir à une disponibilité du Linac 4 supérieure à 95%, nécessaire pour le premier maillon. » L’accélérateur de 86 mètres de long subira ainsi des tests de fiabilité au cours des prochains mois. Les équipes se concentreront ensuite sur son raccordement avec le Booster du PS.

Une inauguration est l’occasion de revenir sur l’histoire. Maurizio Vretenar, le chef de projet jusqu’au début 2017, a raconté l’aventure humaine et technique qui a donné naissance au nouvel accélérateur. Si le Linac 4 sort juste du berceau, sa gestation a duré 20 ans. « Avec Roland Garoby, nous avons écrit en 1996 le premier article mentionnant la réalisation d’un nouvel accélérateur linéaire, a rappelé Maurizio Vretenar. Il était clair, au début des années 1990, que les injecteurs du LHC atteindraient un jour leurs limites et qu’il fallait songer à les remplacer ou à les consolider. » 

À l’époque, la machine imaginée accélérait les protons jusqu’à 2 GeV et était en grande partie supraconductrice. Le concept a évolué, l’énergie a été réduite et l’option supraconductrice a été abandonnée. « Mais en science, les idées ne meurent pas, elles voyagent et réapparaissent parfois sous une forme différente », a poursuivi Maurizio Vretenar. L’ESS (European Spallation Source), en cours de construction en Suède, a ainsi repris des concepts de l’option supraconductrice et un grand nombre d’éléments du Linac 4 pour l’accélération à basse énergie. En 2007, le Linac 4 dans sa conception actuelle était adopté : la machine porterait des ions H- à une énergie 160 MeV, à l’aide d’une chaîne formée de quatre types de structures accélératrices.

Pour autant, des montagnes restaient à soulever. À commencer par le Mont Citron, nom pompeusement donné à la butte qu’il a fallu aplanir près du PS pour ériger le bâtiment du futur accélérateur. « Surtout, cela faisait 20 ans qu’aucun accélérateur linéaire à protons n’avait été construit en Europe, a rappelé Maurizio Vretenar. Le savoir-faire s’était dilué et nous devions fabriquer une machine du XXIe siècle innovante, tout en étant fiable. » Le Linac 4 renferme de nombreuses innovations, comme sa source d’ions, ses deux structures accélératrices à haute énergie (CCDTL et PIMS), utilisées pour la première fois dans un accélérateur, ou encore son système de focalisation qui utilise 126 aimants permanents. « Nous avons contribué à reconstruire une compétence sur les accélérateurs linéaires en Europe », s’est félicité Maurizio Vretenar.

Mais le Linac 4 a dépassé les frontières de l’Europe. En plus des contributions de la Pologne, de la France, de l’Espagne et de l’Italie, sa conception et sa construction ont bénéficié de la participation de la Russie, de l’Inde et du Pakistan.

Maurizio Vretenar a conclu en remerciant chaleureusement Alessandra Lombardi, son adjointe durant tout le projet, qui a repris le flambeau et est chargée de la phase de tests et de connexion. Il a également salué le personnel du CERN qui a développé et fabriqué l’accélérateur : « Les employés du CERN sont dévoués et motivés. Depuis toutes ces années, c’est toujours un plaisir pour moi de travailler avec vous. »

Linac 4
Frédérick Bordry, directeur des accélérateurs et de la technologie, Fabiola Gianotti, directrice générale, et Maurizio Vretenar, chef de projet pour la construction du Linac 4, inaugurent officiellement le Linac 4. « Je souhaite longue vie au Linac 4 et des zillions de protons », a déclaré Fabiola Gianotti. (Image : Sophia Bennett/CERN)

 

Le Linac 4 en chiffres :

  • 86 mètres dont 76 mètres d’accélération
  • 120 km de câbles
  • 173 aimants quadripôles (dont 126 permanents)
  • 27 cavités RF
  • 17 klystrons (dont 9 provenant du LEP) pour la puissance RF

 

Savez-vous que…

  • Le Mont-Citron (40 000 mètres cubes) a été reconstruit sur un terrain du CERN de l’autre côté de la frontière
  • Les éléments des structures accélératrices type CCDTL ont effectué un périple de 12 440 kilomètres entre le CERN, l’Oural et la Sibérie
  • 102 tonnes de acier et de cuivre ont été utilisées pour les structures accélératrices
  • Les ions H- ont pour origine une simple bouteille d’hydrogène