Le 29 avril, les équipes du LHC ont reçu le feu vert pour la dernière étape de la montée en intensité et ont ajouté les 141 derniers paquets nécessaires pour que la machine soit entièrement remplie, avec des faisceaux contenant chacun 2 352 paquets.
La mise en service avec faisceau 2024 et la montée en intensité qui s'en est suivie, qui a permis d’obtenir des faisceaux comprenant environ 1 900 paquets, se sont très bien déroulées et, comme je l'ai mentionné dans mon dernier rapport, nous étions bien en avance sur le calendrier. Aujourd'hui, nous sommes toujours dans les temps, mais nous avons perdu une partie de notre avance en raison de deux difficultés principales rencontrées au cours des deux dernières semaines, qui nous ont conduits à apporter quelques changements au schéma de remplissage.
La première difficulté est apparue le 17 avril, alors que l’on remplissait la machine avec un faisceau contenant 1 791 paquets. Des pertes de faisceau anormales ont été observées dans la région de collimation (point 7) pendant la dernière étape du processus de compression, durant lequel on réduit la taille du faisceau dans les expériences afin d’augmenter le nombre de collisions.
Le système de collimation est conçu pour absorber les particules qui s'écartent de leur trajectoire et qui pourraient heurter des éléments sensibles de l'accélérateur, tels que les aimants supraconducteurs, et perturber leur fonctionnement. C’est la raison pour laquelle le point 7 est équipé de collimateurs primaires et secondaires.
Les collimateurs primaires, situés à proximité du faisceau, interceptent les particules s’écartant du faisceau (également appelées particules primaires), absorbent une partie de leur énergie et les redirigent vers les collimateurs secondaires. Les collimateurs secondaires, qui sont plus éloignés du faisceau, absorbent ensuite ces particules.
Le 17 avril, les équipes ont observé une rupture de la hiérarchie de collimation : pour certaines particules, un collimateur secondaire jouait en fait le rôle de collimateur primaire. N’étant pas conçu pour intercepter des particules primaires, ce collimateur secondaire risquait d’être endommagé. De nombreuses études sont en cours pour comprendre ce phénomène, d'autant plus qu’il n'est pas observé lorsque le faisceau ne contient que quelques paquets, ce qui est le cas lors de la mise en service avec faisceau, lorsque l'équipe du LHC valide la hiérarchie de collimation. En attendant, les équipes ont limité la compression des paquets, sacrifiant ainsi quelques pourcents de la luminosité, mais évitant que des éléments de la machine ne soient endommagés.
La deuxième difficulté est apparue le 22 avril, lorsque l'unité de réfrigération A à 1,9 K (QUARC A) au point 8 est tombée en panne en raison d'un compresseur frigorifique défectueux. L'équipe chargée de la cryogénie a par conséquent eu recours à l'unité de rechange B (QUARC B), qui était maintenue en réserve à froid. Cette unité est malheureusement moins efficace, ce qui se traduit par une perte de capacité de refroidissement, alors qu'il faut une bonne capacité dans le secteur 7-8 pour permettre l’extraction de la charge thermique induite par le nuage d'électrons. Le nombre de paquets par faisceau a donc été ramené de 1 983 à 1 215 le jour suivant. Le 24 avril, l'équipe chargée de la cryogénie a pu à nouveau utiliser l’unité QUARC A et, le 25 avril, la pleine capacité de refroidissement était rétablie. Un premier cycle de collisions, avec 1 419 paquets par faisceau, a été effectué avec succès, suivi d'un deuxième cycle, avec 1 959 paquets par faisceau, pendant la nuit.
Cependant, pour réduire la charge thermique et pouvoir augmenter encore le nombre total de paquets, les équipes sont passées d’une injection de trains de paquets contenant chacun trois lots de 48 paquets à une injection de trains de paquets contenant chacun trois lots de 36 paquets. Cette configuration de paquets permet d’augmenter le nombre de créneaux inoccupés dans les trains de paquets et de réduire la production de nuages d'électrons dans le LHC et, ainsi, la charge thermique pour le système cryogénique.
Le 26 avril, l'étape d'intensité suivante a été franchie, et le nombre de paquets par faisceau a pu ainsi augmenter, passant de 1 959 à 2 211. Au cours du week-end suivant, grâce à ces 2 211 paquets par faisceau, ainsi qu’à une excellente disponibilité de la machine (70 %) et à des faisceaux en collision pendant près de 58 % du temps, les équipes ont pu accumuler 2,5 fb-1 de données, soit 0,83 fb-1 de données par 24 heures, ce qui est très encourageant.
Le 29 avril, après une analyse approfondie, l'équipe de la cryogénie a conclu qu’on disposait d’une marge dans le système de refroidissement cryogénique pour effectuer la dernière étape d'intensité et passer à 2 352 paquets par faisceau, en utilisant toujours les trois lots de 36 paquets du SPS.
Jusqu’à nouvel ordre, tant que le problème de la hiérarchie de collimation ne sera pas compris et résolu, des collisions avec 2 352 paquets par faisceau et une compression limitée du faisceau seront la norme. Pour autant, la production de luminosité est très bonne et offre des perspectives encourageantes pour le reste de l'année.